CHAPTER SIXTEEN
- CHAPTER SIXTEEN
- Sixteenth Chapter (Version A)
Sixteenth Chapter (Version A)
1[223/254r/1]
Chapitre 1[5]
Del’attraction neutonienne, comment elle opere la pesanteur et la chute des corps vers la terre
2 Jl n’y a point de phenomene dans la nature dont lexplication ait
plus tourmenté les philosophes que ceux
de la pesanteur et dela chute des corps vers la terre.
3 On a vû dans le ch. 14. qu’aristote les expliquoit a sa maniere c’est adire
par des mots vuides de sens.
4 Des-cartes qui par sa façon methodique et precise de raisonner avoit
degouté les hommes du jargon jnintelligible
des ecoles qui avoit encore obscurci aristote parut rendre une raison plausible dela
pesanteur, et expliquer ce phenomene si
ordinaire, et si suprenant, d’une façon,
satisfaisante.
5 Jl avoit suposé que la terre etoit entourée d’un grand tourbillon de
matiere subtile qui circule autour d’elle
d’occident en orient a que cette matiere
subtile repoussoit les corps pesants vers la
terre par la superiorité de la force centrifuge
que la rapidité de son mouvement circulaire
lui faisoit acquerir.
6 Jl faut avouer que quand on glisse sur ses jdees, et qu’on n’en a rien vu que [254v/2] superficiellement cequi se passe dans la nature, rien ne paroit plus jngenieux
et plus simple que cette explication que
des-cartes donnoit dela pesanteur, mais
quand on Examine les choses avec attention et qu’on entre dans le detail des phenomenes
qui accompagnent la chute des corps, ce
qui paroissoit d’abord si simple, setrouve
sujit a de grandes difficultés.
7 Je ne m’arreterai point a les Raporter, ny a faire voir de quelle façon
les grands hommes que descartes a entrainé
dans son opinion ont cru pouvoir y
remedier, mon But est seulement de
faire voir dans ce chapitre comment
Mr. neuton explique les mesmes phenomenes
par le principe del’attraction et comment
jl est parvenu a decouvrir cette nouvelle
propriete des Corps qui paroit apartenir
atoute la matiere.
8 La matiere par son jnertie tend toujours a conserver son estat
present, ainsi tout corps mû en rond tend
a s’echaper par chacune des droites
jnfiniment petites qu’il parcourt a chaque
jnstant, et c’est cette tendance qu’on apelle
force centrifuge; donc tout corps qui se meut en Rond s’echaperoit par sa tangeante si quelque force ne lui faisoit
changer atout moment sadirection [255r/3] et ne le forçoit a decrire une ligne courbe (§ 290).
9 Ainsi puisque les planetes decrivent une ligne courbe dans leur
cours il faut necessairement que deux
puissances dont lune les fait aller en ligne droite,
et lautre les en retire continuellement, agissent
sur elles, car le mouvement en ligne courbe
[etoit] toujours un mouvement composé.
10 La force qui feroit seule decrire une ligne droite aux planetes, Est la
force du projectile imprimée des le commencement
par le Createur, mais qu’elle est celle qui
les retire de cette ligne droite a chaque
instant, et qui les force a decrire une ligne courbe, et atourner autour dun centre;
voila ce que l’on ignoroit avant Mr. Neuton.
11 Cependant il est certain que si une telle force n’agissoit pas sur les
planetes chacune s’echaperoit par sa tangeante selon laloy que suit inviolablement tout
corps qui est mu en rond lorsque rien
ne s’opose a sa force centrifuge.
12 Les cartesiens repondoient a cette difficulté, en disant que tout etant
plein, les planetes ne pouvoient s’echaper
par leur tangeante.
13 Mais quand on admet le vuide, comme on est en effet forcé deladmetre,
jl faut necessairement chercher une autre [255v/4] cause du mouvement circulaire des planetes.
14 L’imposibilité duplein, la necessité dune force oposée ala
necessité d’une force centrifuge pour
retenir les planetes dans leur orbe, les
decouvertes de Kepler sur les loix qu’elles suivent en faisant leur revolution,
et enfin l’insuffisance des tourbillons
de Des-cartes pour expliquer ces
phenomenes firent naitre a mr. neuton l’idee dune force centripete c’est a dire
une force dirigée aucentre, laqu’elle
etant l’antagoniste perpetuelle dela
force centrifuge fut capable deretenir
les planetes dans leur orbite, et de les
empecher de s’echaper par leur
tangeante.
15 Jl est necessaire de connoitre les loix de Kepler pour entendre
comment Mr. neuton parvint a decouvrir qu’il y avoit effectivement une force
centripete dans la nature, et que c’est
cette force qui retient les planetes dans
leur orbite et qui fait la pesanteur
vers laterre.
16 Une de ces loix est que les planettes en tournant autour du Soleil
Decrivent des aires egales en tems egaux en sorte que si l’on conçoit du point B.
d’ou une planette est partie, au point C [225/256r/5] ou elle arrive deux lignes droites BS. CS. tirées au soleil S, laire du secteur
ecliptique SBC. formé par ces deux lignes et par larc de la courbe que la planette
a parcouru, croit en meme proportion que
Letems pendant lequel elle se meut.
17 La seconde loy de Kepler est que letems qu’une planette employe
a faire sa revolution autour du Soleil est toujours proportionnel a la racine
quarré du cube de sa moyenne distance
a cet astre.
18Ces deux loix que tous les corps celestes que nous connoissons observent sans jamais s’en écarter sont
pour le dire en passant, un des principaux
ecüeils contre lesquels lagrande machine
des tourbillons (du moins telle que descartes
lavoit construite) est venüe [s’eteriser].
19 Mr. Neuton en cherchant a decouvrir la cause de ces loix découvertes
par Kepler a demontré a l’aide dela
plus sublime geometrie.
20 1.° Que si un corps qui se meut est attiré vers un centre mobile ou jmmobile,
jl decrira autour de ce centre des aires
proportionelles, et reciproquement que si un corps decrit autour d’un centre
des aires proportionelles au tems, jl y a
une force qui le porte vers ce centre.
21 2.° Que si un corps qui se meut [256v/6] autour d’un centre qui l’attire, acheve sa revolution dans un tems proportionel a la racine quarrée du cube de sa moyenne
distance a ce centre, la force qui lattire
Diminûë comme lequarré de sa distance
au centre vers lequel jl est attiré, et
reciproquement &cc.
22 Ainsi la 1ere. loy de Kepler c’est a dire la proportionallité des aires et
des tems, fit decouvrir a Mr. Neuton une force centralle en general, quil apelle
la force centripete, et la seconde qui est le raport entre le tems dela revolution
des planetes, et leur distance au centre
lui fit connoitre la loy que fait cette force.
23 Non seulement les planetes primitives observent ces loix en tournant
autour du Soleil, mais les planetes
secondaires les suivent aussi en faisant
Leur Revolution autour dela planette
primitive qui est lecentre de leur
revolution, ainsi les planetes secondaires
sont attirées par les planetes principales
autour desquelles elles tournent dans
la meme proportion que les planetes
primitives les sont par le Soleil, car
les unes et les autres observent les
memes loix dans leur cours.
24 Ce n’est pas jci lelieu de montrer comment toutes les planetes [226/257r/7] tant primitives que secondaires confirment cette decouverte parla regularité deleur
cours, et comment les cometes ne semblent
venir etonner notre univers, que pour
rendre un nouveau temoignage a une
verité que le grand neuton a aperçüe, cet article apartient au livre ou je parlerai de notre monde planetaire, et je ne raporte meme ici les jmportantes
decouvertes que Mr. neuton a fait sur le cours des planetes que par ce que ce sont ces
decouvertes qui l’ont conduit a connoitre
la cause qui opere la chute des corps vers
la terre, et qui lui a fait apercevoir
une nouvelle proprieté dans la matière.
25 La lune en attirée par laterre puisqu’elle parcourt en tournant au-tour d’elle des aires egales en tems egaux
mais parla seule consideration dela
revolution de la Lune au-tour delaterre
on ne connoit point encore la loy que
suit cette attraction, car quoique j’aie dit
( ) que les planetes secondaires
suivent les deux loix decouvertes par
Kepler en tournant autour deleur
planette principale ce n’est qu’en comparant le
tems dela revolution, et l’eloignement
dedeux planettes qui tournent au-tour d’un
meme centre que l’on découvre que letems
deleur revolution est proportionnel ala [257v/8] racine quarrée du cube deleur moïenne distance a ce centre, et que l’on voit
par consequent quelles observent la seconde loy
de Kepler, et que la force qui agit sur
elles decroit comme le quarré de la distance,
car sans comparaison jl ny a point
de proportion.
26 Jupiter et Saturne ayant chacun plusieurs satellites. On trouve aisement
que ces satellites suivent dans leurs revolutions
les 2. loix de Kepler, mais la terre n’ayant
que lalune poursatellite, on n’a point de
planete de comparaison pour s’assurer que
la lune en tournant au-tour de la Terre
suit la 2de. des loix de Kepler et pour savoir qu’elle est la loy de lattraction que
la force centripete qui agit sur une planete
quelconque par lemouvemt de ses apsides dans
ce corps glaise 1.er de la 45.e proposition de son 1.er Livre et par laplication de cette proposition alalune il avoit trouvé (liv. 3. prop. 3[0]) que la force centripete qui agit sur elle decroit
en raison inverse du quarré de la distance
de la lune a la terre.
27 Mr. neuton a force de sagacité et de calcul a demontré dans le corollaire
1er. dela proposition 45. de son premier livre que lorsqu’une planete se meut autour d’un
centre mobile dans un orbe fort
aprochant du cercle (tel que la lune autour
de la terre) on peut determiner par [227/258r/9] le mouvement de ses (Note 2[-]) apsides enquelle raison la puissance qui lui fait
parcourir son orbite agit sur elle, et en
aplicant cette proposition aucours de la
lune, il determina que l’attraction delaterre
sur cette planete decroit dans une raison
un peu plus grande que la raison doublée
inverse des distances. Mais ce fut la
comparaison de la chute des corps, dutems
periodique delalune, qui l’assura entierement,
quelaforce qui retient lalune dans son
orbite decroit dans cette proportion.
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28(Note 2[-]) La Ligne des apsides est la ligne qui traverse le corps attirant a le corps attiré. Ainsi AB, CD, sont les Lignes des absides dela planete B ou [...]
que cette ligne change, avec la position dela planete et du centre qui l’attire.
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29 Les corps que lon jette ici bas et qui suivroient a linfini par leur force
dinertie la ligne droîte dans laquelle on
les projette, retombent cependant vers la
terre par leur gravité, et ils y retombent
plus ou moins vite selon que leur force
projectile est plus ou moins grande ainsi
plus un corps aura de force projectile, et
plus il [va] loin sans retomber vers la terre, car si l’on imagine un canon tiré
horisontalement du haut dune montagne
avec une vitesse capable de faire parcourir au Boulet
la distance de deux milles PE avant de
retomber aterre, avec une vitesse projectile
double et en faisant abstraction de la resistance [258v/10] de lair ce boulet iroit deux fois plus loin, avec une vitesse triple trois fois,
et ainsi de suite, donc avec une vitesse
projectile donnée, et en otant toute
resistance, le boulet pouroit tourner
autour delaterre pres de sa surface
sans y tomber dememe que la lune y
tourne ala distance ou elle est.
30 Cette observation porta Mr neuton a conclure que puisque l’on
pouvoit considerer tout corps tombant,
pres de la surface de laterre, en lui
suposant une vitesse sufisante, comme un
second satellite qui seroit placé prés
de cette surface, il etoit tres vraisemblable
que lameme force qui retient la lune
dans son orbite opere la pesanteur et
la chute des corps vers laterre, et que
parconsequent les corps qui tombent
vers la terre pourroient lui servir de
planete decomparaison pour s’assurer
que l’action de la terre sur la lune, decroit
comme le quarré de la distance. (selon la
prop. 45. de m.r neuton deja citée).
31 Si l’attraction que la terre exerce sur la lune decroit (selon la proposition
45e de mr neuton deja citée) en raison du quarré des distances, et que cette meme
attraction cause la chute des corps ici bas
il faut que lespace que la seule attraction
de la terre fait parcourir ala lune dans
la 1ere minute, par exemple, soit a l’espace [228/259r/11] que cette meme attraction fait parcourir aux corps placés pres de la surface de la
terre dans le meme tems, comme le quarré
de la distance de ces corps au centre delaterre
est au quarré dela distance dela lune a la
terre.
32 On scait que la distance delalune a la terre est denviron 60. Demi diametres
de la terre dans son eloignement moyen,
ainsy soit B.[...] lorbite delalune et B.F. l’arc de cet orbite quelle parcourt en une
minute, jl est certain quetout mouvement
circulaire etant un mouvement composé
la lune en decrivant cet arc BF. obëit
a Deux forces, savoir alaforce projectile que le createur lui a jmprimée, et qui la
dirigeroit seule dans une ligne droite
dorient en occident vers ∙BE∙ et alaforce
centripete, a l’attraction que la terre coerce
sur elle, et qui la feroit tomber perpendiculairement vers la terre en BT. si la lune
n’obeissoit qu’a cette seule force.
33 Or en decomposant le mouvement composé on peut connoitre la quantité de
laction de chacune des forces composantes,
et par consequent le chemin que chacune d’elles eut fait parcourir au mobile, si
elle avoit seule agi sur lui, ainsi en
faisant que l’arc BF. devienne la diagonalle
du paralelogramme BDEF on aura les [259v/12] lignes BG, BD, qui representeront lechemin que chacune des 2 forces qui font parcourir
alalune larc BF. en une minute lui eut
fair parcourir separement pendant ce
meme tems.
34 Sans laforce qui la porte vers la terre, lalune decriroit dans une minute la
tangeante BG et par consequent l’effet de
la pesanteur est de la retirer de cette
tangeante par la ligne [GF] egale a BD qui fait qu’au bout d’une minute la lune
setrouve en F. aulieu detre en E.
35 GF. ou BD, qui lui est egale est donc l’espace que l’attraction de laterre fait
parcourir a la lune dans une minute
jndependemment de la force projectile qui
la pousse suivant la tangeante BE, c’est donc
la valeur de GF = BD. qu’il faut trouver.
36 Or jl y a plusieurs manieres de trouver la valeur de cette ligne EF.
37 La plus courte et la plus simple
depend d’une proposition demontrée par
Mrs. huguens et neuton, savoir, qu’un corps se mouvant dans un cercle, la hauteur d’ou jl tomberoit vers le centre de sa Revolution par la seule force centripete dans un tems donné, est égale auquarré de l’arc quil decrit dans le meme tems, divisé par le diametre du cercle.
38 Cette proposition etant recûë [229/260r/13] detous les geometres, jl est aisé de trouver par son moyen la valeur de la ligne
GF. et par consequent celle de la ligne
BD. qui lui est egale.
39 On scait par les mesures de Mr. picard que la circonference de laterre est
de 123249600. pieds de paris; on scait
parconsequent que lorbite delalune qui est
60 fois plus grand est de 7394976000. pieds
et que le Diametre de cet orbite est de
2353893840. pieds.
40 La revolution delalune au-tour delaterre sefait en 27. jours 7. heures,
43'. siderales, ou dans 39343 minutes ainsi
endivisant l’orbe de 7394976000 pieds
par 39343 lontrouve que larc BF.
[que la lune] parcourt dans une minute est de 187961. pieds donc suivant la proposition de Mrs. huguens et neuton, le quarré de cet arc (BF2) = 25329337521 pieds et divisant le quarré
par le diametre de lorbe de la lune, c’est adire
par la ligne BG = 235389840 pieds l’on
a GF ou BD = BF2/BG = 35329337521 P./2353893840 P. = 15 P.
de Paris environ (note 22).
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41note 22 Jl y a deux remarques a faire sur cette evaluation de l’arc BF. et de la petite ligne AD. cest qu’afin qu’elle soit juste, jl ne faut prendre de l’orbite de la lune qu’une
partie parcouruë dans un tems tres petit afin que cet arc puisse etre pris pour la diagonal
du paralelogramme BDGF, car on scait que dans un tems tres petit, la ligne
parcourue par un corps dans son mouvement circulaire peut etre considerée
sans erreur sensible comme une petite droite qui est la diagonale des deux
directions que le corps a actuellement, (§. 290) sans cette condition dela petitesse de
larc BF. par raport ala grandeur du cercle B[EG], jl ne seroit pas permis de regarder E[F] comme l’espace tombé vers le centre, ce seroit HF. mais lorsque larc BF. est tres petit, la difference entre EF. et HF. est jnsensible.
42
La seconde remarque est que la demonstration de m
rs
. huguens et neuton est pour un cercle, et que les planetes font leur revolution dans des ellipses dont
quelquesunesmeme ne sont pas des Ellipses regulieres, comme celle que decrit la lune, mais [260v/14]
mr. huguens a demontré que chaque courbe dans quelqu’une de ses parties que ce fut a la méme courbure qu’un certain cercle qu’on
nomme
osculateur
parceque dans cet endroit jl y a une partie commune a la courbe et au cercle, et par la consideration de ce cercle dont m
r
. huguens a paris a trouver le rayon pour chaque point de la courbe, on peut trouver l’expression de la force centripete dans toutes les courbes, et comparer cette
force non seulement pour chaque point de la meme courbe, mais aussi de
courbe a courbe. Ainsi c’est m
r
. huguens que lon peut dire qui a eté leprecurseur deneuton, et non pas des-cartes, comme bien des gens
veulent le soutenir.
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43 Lespace que lattraction de la terre, fait parcourir ala lune dans une
minute, est donc de 15 pieds de paris
et un peu plus.
44 Leloignement moyen delalune alatere est de 60 demi diametre dela terre ( ) ainsi la lune est 60 fois plus
Eloignée du centre de la terre que les corps
graves qui sont pres de la surface donc
si la meme force fait la pesanteur et retient
lalune dans son orbite, et si cette force
decroit comme le quarré de la distance au centre
de la terre, elle doit agir 60 fois 60 fois c’est a dire 3600 fois moins sur la lune
que sur les corps qui sont pres desa surface
dela terre, car 3600. est le quarré de 60
eloignement de la lune et un est le quarré
d’un eloignement des corps graves deleur
centre comme les corps dans le comencement
deleur mouvement parcourent des espaces qui
sont comme les forces qui les font mouvoir.
45 Or lespace que les corps qui tombent jci bas vers la terre a eté trouvé de 15
pieds de paris dans la 1ere seconde (§ 398). [230/261r/15]
46 Les espaces parcourus par les corps en tombant sont comme les quarrés des
tems employés atomber (§ 363 num. 4.°) il y a 60.
secondes dans une minute, donc les corps
en tombant parcoureroient ici bas
54000 pieds dans la 1.ere minute s’ils tomboient dassés haut pour leprouver, cest adire 3600. fois plus d’espace qu’ils
n’en parcoureroient dans le meme tems s’il
Etoit transportés ala hauteur ou est la
lune, puisque la lune parcouroit 15 p. dans la 1ere. minute par la seule attraction, la force alatere qui agit sur la lune
agit donc 3600. moins sur elle que sur
les corps graves, car 15. est le produit de
54000. divisé par 3600, donc c’est lameme force
qui retient la lune dans son orbite, et qui
fait tomber les corps ici bas, et cette force
decroit comme lecarré deladistance
aucentre.
47 Tout le monde scait, mais on ne peut trop le repeter, que Mr. neuton avoit abandonné lidée qu’il avoit concû
que la meme force qui retient les planetes
dans leur orbite opere jci bas la pesanteur
et la chute des corps, parce qu’ayant de
fausses mesures de laterre, et n’ayant [261v/16] point eu de connaissance dans la solitude ou il tiroit alors de celles
de Mr. picard en 1669. Jl ne trouvoit pas entre le moyen mouvement dela
lune et la chute des corps sur laterre
le raport qui devoit resulter de l’attraction
qu’il soupconnoit agir dans toute la
nature, a que je viens de faire voir que
les veritables mesures lui donnerent, cet
amour sincere de la verité et cet
éloignement pour toute hipothese auquel
mr. neuton avoit [va]erifié une si belle jdée, est peut etre aussi extraordinaire
et aussi respectable que les admirables
decouvertes que l’etendûe et la profondeur
de son genie lui ont fait faire.
48 On voit par tout cequi bien d’etre dit quel chemin jmmense la
Raison humaine a eü a faire avant
de parvenir a decouvrir la cause d’un
effet qui sopere sans cesse autour de
denous. Jl a fallu que les corps celestes
qui sont placés si loin denous, nous
l’ayent, pour ainsi dire, apris.
49 La meme force qui retient les planetes dans leur orbe, est donc la cause
de la pesanteur et dela chute des corps vers
laterre, et l’energie de cette force depend
de la distance.[251/262r/17/]
50 [...] on avû dans lech. 13. que Galilée avoit demontré avant
Mr. neuton que la force, quelle soit, qui anime les corps a descendre vers laterre
etant supposée egalement achaque
jnstant jndivisible, devoit leur faire
parcourir des espaces, qui sont comme
les quarrés des tems, et sa demonstration
suffisoit pour connoitre laction delagravité
surles corps qui tombent ici bas, par
ceque les hauteurs auxquelles nous
pouvons atteindre sont trop mediocres
pour produire dans la chute des corps
des differences sensibles, mais la theorie
de galilée eut eté bien jnsuffisante,
si lon eut pû faire des experiences a
des hauteurs assés grandes pour s’apercevoir
du decroissement dela pesanteur, car
cette theorie suposoit une force uniforme
et continuëment appliquée, et Mr. neuton a démontré comme on vient dele voir, que
l’energie de cette force décroit avec lequarré
dela distance.
51 Si les mouvemens celestes et les loix de Kepler ont decouvert a
Mr. neuton l’attraction et une de ses loix, ce qui se passe jci bas dans la
chute des corps lui a decouvert une
autre loy que cette force qui fait tendre [262v/18] les corps vers un centre suit aussi jnviolablement, c’est que cette force se
proportionne aux masses.
52 On a vû (chap. 14 § 371) que tous les corps de quelque espece qu’ils
soient, tombent egalement vite au fonds
de la machine purgée d’air, donc l’attraction
que je viens de prouver etre la cause
de la chute des corps et du cours des
astres agit par la solidité, et se proportionne aux masses.
53 Toute quantité egale de matiere resiste egalement par sa force
d’inertie (§ 232 et 236) ainsi jl est certain
que le pouvoir qui agit également
sur des portions de matiere differentes doit se proportionner a ces differentes
quantités qui lui resistent differement,
ainsi l’attraction agit entier, mais sur
chacune des particules solides qui le
composent, ensorte que son action
est cent sur celui qui a
cent particules
dematiere, et mille sur celui qui en
a mille, de quelque espece qu’elles puissent
etre, car si quelque une des particules qui
composent un corps etoient attirées plus
fortement que les autres, ces corps dev[ro]ient tomber plus ou moins vite selon l’espéce
de particules dont jls seroient composés, [232/263r/19] mais c’est cequi n’arrive pas, donc &cc.
54 Quelques uns ont cru que la pesanteur du meme corps etoit variable
dans lememe endroit delaterre, et que
par consequent la pesanteur n’etoit pas
uniforme; de fausses experiences les
avoient jettés dans cette erreur, et c’est un
écueil dont jl faut autant plus se
garder que l’amour propre nous parle
toujours enfaveur de celles que nous
avons faites, la pesanteur des memes
corps peut varier alaverité dans le
meme endroit delaterre mais c’est
seulement par l’augmentation ou la
Diminution de la masse solide des
corps, et c’est ce qui arive aux plantes
qui se fannent, et a tous les corps qui
s’evaporent, mais lepoids des corps est
toujours alameme distance du centre
delaterre, comme laquantite de la matiere
qu’ils contiennent.
55 La seule chose qui puisse aporter des differences dans l’action du
pouvoir attractif est donc la distance,
ainsi un homme qui porte prés dela
surface de la terre a un demie diametre
de son centre un poids de 100t porteroit 900.t sil en etoit a un diametre entier cest a dire a un demi diametre de sa
superficie. [263v/20]
56 Les corps par consequent tomberont d’autant moins vite quils
seront plus eloignés dece centre dela
terre, mais a egale distance, jls tomberont
tous egalement vite, ensorte qu’une
boule de papier transportée a la region
de la lune, et qui ne peseroit a cette
hauteur que la 3600e. partie de ce qu’elle pese jci bas, tomberoit surla
terre en meme tems quelalune si la
lune venoit a perdre tout son mouvement
de projectile, et cette boule et la lune
parcoureroient des espaces Egaux pendant
tout letems qu’elles mettoient a
tomber, en faisant abstraction detoute
resistance du milieu dans lequel
elles tomberoient.
57 L’attraction de la terre agit donc sur la lune a proportion
desa masse, dememe qu’elle se proportione
icy bas a la masse des corps qu’elle
fait tomber, ainsi elle agit non
seulement sur le corps entier delalune,
mais aussi sur chacune des parties qui
la composent.
58 Si la force qui retient la lune dans son orbite agissoit sur [264r/21] elle dans une autre proportion que celle de sa matiere, elle ne pouroit
pas produire sur elle les memes effets
precisement qu’elle produit sur les
corps qui tombent icy bas, or puisqu’il
est certain que la force qui fait tomber
les corps se proportione aleur masse et que cette force agit sur la lune
comme elle agiroit sur les corps qui
tombent jci bas, sils etoient transportés
ala region de la lune ( ), il faut
necessairement que cette force agisse sur
La masse solide de la lune, dememe
qu’elle agit sur la masse solide de chacun des
corps placés a la surface
de la terre.
59 Jl en est de meme de l’action du soleil sur tous les corps celestes, et
de l’action des planetes qui ont des satellites
sur leurs satellites, car les lunes de
saturne, par exemple, font leur
revolution autour de cette planete
dans des tems proportionées ala racine
quarrée du cube de leur moyenne
distance a cette planette, donc la force
attractive de Saturne agit sur chacune
de ces lunes en raison jnverse du quarré
dela distance ou elle est placée ( )
donc a egale Distance de Saturne [264v/22] ces lunes seroient egalement attirées
donc alors en tems egaux elles
parcoureroient des espaces egaux, et
tomberoient en meme tems sur
Saturne, si elles venoient a perdre
leur mouvement de projectile, de meme
que tous les corps qui tombent jci
bas dans un milieu non resistant,
arrivent en meme tems a l’horison, (§. 371) donc l’attraction que saturne
exerce sur les lunes de proportionne
aleurs differentes masses.
60 On prouvera dememe que Laction de jupiter sur ses satellites, et
celle du Soleil sur toutes les planetes
se proportionne aux masses de chacune
de ces planetes, en sorte qu’a distance
egale, elles parcoureroient toutes des
espaces egaux en tems egaux, et
qu’en partant du meme point elles
tomberoient toutes en meme tems sur
le soleil, si elles avoient perdu toute
leur force projectile.
61 Or les forces qui agissent egalement sur des corps jnegaux se
proportionnent necessairement a ces
differens corps (§. 236) donc les poids des planettes sur le soleil et des
satellites sur leur planete est
265r/23[] directement proportionnel a leur quantité de matiere et au quarré
de leur distance a cet astre.
62 La regularité de lorbite que les satellites de jupiter decrivent
autour de cette planete est encore une
preuve que l’attraction du soleil sur
jupiter et sur les satellites se proportione
a leurs differentes masses, car jupiter
et ses satellites peuvent sans erreur
sensible etre regardés, acause de leur
grand eloignement du Soleil, comme
étant tous a une meme distance de
cet etre, or la distance etant suposée
egale, le soleil ne pouroit agir d’une
façon sensiblement differente sur les
satellites et sur leur planete qu’en
raison de leurs differentes masses, donc
si le soleil attiroit plus l’un ou l’autre
de ces satellites ou la planete meme
de jupiter en raison de la qualité de la
matiere qui les compose et s’il ne se proportionoit pas a leur differente
masse cette action differente du
soleil derangeroit jnfalliblement
L’orbite de ces satellites, et on y
remarqueroit quelque excentricité, [265v/24] donc puisque les orbes des satellites de jupiter sont concentriques a cette
planette, puisquils sont sensiblement
reguliers, Lesoleil agit sur chacun
d’eux et sur jupiter lui meme en
raison directe deleur qualité de
matiere.
63 On dira la meme chose de saturne et de ses lunes, et cest une
chose admirable queles corps celestes
dont leloignement du soleil peut etre
regardé comme sensiblement egal
entreux soient les seuls qui décrivent
des orbes reguliers, et c’est assurement
La plus forte preuve que lon puisse
desirer de cette verité que l’attraction
que les corps celestes exercent les uns
sur les autres se proportionne aux masses
de meme que lattraction de la terre
se proportionne ala differente masse
des corps qui Sont pres de sa Surface.
64 Mais puisque l’attraction se proportionne aux masses, puisqu’elle
agit non seulement sur letout,
mais sur chaque partie du tout,
jl faut que chaqune des particules
du corps attirant agisse sur chacune
des particules du corps attiré, et que [266r/25] parconsequent cette attraction soit repandûe dans toute la matiere en sorte
que chaque particule d’un corps s’attire
reciproquement, tout prouve cette
attraction mutuelle.
65 1.° La gravité dans letout est le resultat de la gravité dans les parties
ainsi la gravité de la planete B. est a la gravité de la planete A. comme la quantité
des particules solides que chacune de ces
planetes contient, et dememe que si plusieurs
planetes s’unissoient ensemble pour former
un globe, la gravité de ce globe seroit
le resultat de toutes les planetes qui se
seroient Unies pour le composer, ainsi la
gravité de chaque planete est composée
dela gravité detoutes ses parties, car
toute planete, et meme tout corps peut
etre consideré comme un tel assemblage,
or chaque partie est attirée en raison directe
desa masse, car si la gravité des parties
qui composent chaque planete ne suivroit
pas la proportion directe des masses
la planete entiere ne pouroit graviter dans
cette raison, mais elle graviteroit ou
plus ou moins, selon quelle seroit composée
de particules plus ou moins gravitantes,
or nous avons vû quelles gravitent toute
en raison jnverse deleur distance et en raison
directe de leur masse. Donc chacune des parties
qui les composent exerce une attraction
en raison directe de sa masse. [266v/26]
66 2.° Cette gravitation qui apartient atoutes les parties delamatiere doit etre
reciproque entr’elles par la 2. loy du
mouvement, car par cette loy la reaction
est toujours egale alaction, donc chaque particule de matiere qui est attirée doit exercer une action sur celle
qui l’attire, et par consequent l’attraction
doit etre toujours mutuelle, car cette
egalité de l’action et de la reaction etant
une Loy que la nature observe jnviolablement
(§ 242) elle doit aussi avoir lieu dans
l’attraction.
67 3.° Les planetes nous prouvent cette attraction mutelle detoute la matiere
dune façon sensible, car lorsqu’elles setrouvent
assés prés les unes des autres pour etre dans
la sphere deleur attraction, alors elles
subissent les derangemens dans leurs cours
qui Resultent deleur attraction reciproque,
ainsi l’atttraction du soleil et dela terre
derange continuellement lorbite dela lune,
la lune par l’attraction qu’elle exerce Sur
laterre derange aussi lorbe que laterre
decrit, et c’est cette attraction delalune
sur la terre qui cause les marées.
68 Quand la terre se trouve entre mars et venus elle va plus
lentement alors, parceque ces deux planetes
exercent une attraction sur elle qui
contrebalance en partie celle du soleil, et retarde par consequent le chemin
de la terre vers cet astre ce qui est encore [267r/27] pour le dire en passant une des plus fortes preuves contre les tourbillons, car
alors laterre devoit aller plus vite, si
elle etoit emportée par un fluide quelconque.
69 Enfin quand saturne et jupiter setrouvent en conjonction, ces deux puissantes
planetes par l’attraction quelles exercent lune
sur lautre derangent si considerablement leurs orbes que nous pouvons nous en apercevoir
tres sensiblement cette conjonction qui arrive
tres rarement acause du tems que ces deux
enormes globes mettent a faire leur revolution
dans leur orbe, arriva au tems de mr neuton et vint confirmer ses admirables decouvertes
car jl en resulta precisement les derangemens
quil avoit predit, et qui soit une suite
jnevitable des loix de l’attraction mutuelle
que toutes les parties de la matiere exercent
les unes sur les autres.
70 4.° Selon la 3.° loy donnée par mr. neuton pour se conduire dans la recherche de la nature (§ 10) loy qui est
Recüe detous les philosophes. Selon cette
3.e loy, disje, les qualités que nous trouvons apartenir en tout tems atous
les corps que nous connoissons peuvent
etre reputées universelles et jnherentes
atous les corps, puisque nous ne pouvons
connoitre leurs proprietés que par lexperience
et c’est par cette voie seulement que nous
sommes assurés que l’etendue et l’impe
netrabilité leur appartiennent universellement
donc puisque tous les corps qui sont a [267v/28] la surface dela terre gravitent vers la terre selon la quantité directe de
leur matiere et dans la Raison inverse
du quarré deleur distance, puisque lalune
tend vers laterre en cette meme raison,
puisqu’il est prouvé que c’est selon cette meme
raison de la masse et de la distance que les
planetes agissent sur leurs satellites, et que
le soleil agit sur les planetes et sur les satellites
des planetes, et que tous ces effets sont constants
et demontrés par l’astronomie et par
l’experience, jl est jndispensable de conclure
que tous les corps de l’univers ont cette force attractive, et cet argument d’une gravitation
universelle dans toute la matiere tiré des phenomenes, est plus fort que celui par lequel on conclut que tous les corps sont
jmpenetrables, car nous n’avons aucun
phenomene qui nous Demontre l’im
penetrabilité des
corps celestes, mais tous nous demontrent
leur gravité.
71 Voila donc un nouveau Ressort que mr neuton a decouvert dans la mechanique qui opere dans lanature, les corps (aumoins tous ceux que nous
conoissons) outre toutes les autres proprietés
que le createur leur a données ont encore
celle de tendre lun vers lautre, et dy tendre
avec d’autant plus de force qu’ils en sont plus pres, et cela dans la raison directe
deleur masse dans la proportion de la
raison jnverse du quarré des distances. [268r/29]
72 Jl faut repondre ici a deux objections que tout lecteur un peu neuf
dans ces matieres, se fait toujours a lui
meme contre l’attraction de toutes les parties
dela matiere.
73 1.° Si l’attraction est repandüe dans toute la matiere, et si toute particule
de matiere s’attire reciproquement pourquoi
ne voyons nous pas tous les corps s’attirer
l’un l’autre.
74 2.° Si la distance change la quantité de l’action de cette attraction,
pourquoi les corps paroissent ils tomber
egalement vite detoutes les differentes
hauteurs dans le 1.er jnstant de leur chute.
Jl est aisé de lever ces deux difficultés.
75 Premierement jl est certain que nous nous apercevrions de toutes ces
differences, si nos sens en etoient suceptibles,
car elles existent, mais ce sont des jnfinitment
petits qui sont perdus pour nous, voilà [...]
pourquoi nous ne nous apercevons pas dela
difference qui setrouve dans le tems jnitial
de la chute des corps lorsquils tombent
des differentes hauteurs auxquelles nous
pouvons atteindre jci bas, car ces
hauteurs sont trop mediocres pour produire
Un effet qui puisse etre sensible pour
nous.
76 Le demi diametre delaterre est selon les mesures de Mr picard de 19615800. pieds, ainsi une tour haute [268v/30] de 300. pieds nest eloignée du centre delaterre que de 19615800 pieds, et par
consequent la pesanteur ason sommet
et a sa Base seroit comme les quarrés
des deux nombres 19615800. et 19616100.
et ces quarrés sont 384779609640000.
et 384791379210000. ainsi le poids d’une
livre ala base d’une telle tour, seroit
au poids de cette meme livre portée a son
sommet, comme 7680. est a 7679.
ce qui est comme 29440338161/38479181921
Rien pour nous.
77 Quant a l’attraction mutuelle des corps, nous ne nous en apercevons point,
parceque cette attraction est absorbée et
rendûe jnsensible par lattraction jnfiniment
plus grande que la terre exerce sur tous les corps
excepté cequi arrive dans le point de contact,
ou cette attraction mutuelle des corps
devient tres sensible, comme jeledirai
dans la suite.
78 Mr. neuton a calculé qu’une sphere homogene alaterre, et d’un pied
de diametre, exerce sur un corpuscule
placé prés desa superficie une attraction
qui est 20000000 fois plus petite que
celle dela terre, et que deux spheres
semblables placées a la distance d’un
quart de pouce dans le vuide employeroient
environ un mois a se joindre, l’attraction
meme des plus hautes montagnes est
pres que jnsensible, hors dans certains [269r/31] cas tres rares et tres delicats, comme par exemple dans les experiences que les
academiciens qui sont au perou viennent
defaire auhaut de la montagne de pichencha
sur les oscillations du pendule; car Mr. clairaut, un des plus savants a des plus jeunes
academiciens des Sciences a fait voir que
l’attraction de cette montagne qui a 2300
toises d’elevation par dessus le niveau de
la mer, etant considerée seulement comme
une boule d’une lieûë de diametre, devoit
exercer sur les corps transportés a son
sommet Une attraction qui etoit la 3000.e partie de celle de la terre, et que cette
attraction, quoique peut etre un peu moindre
encore a cause de la figure jrreguliere
dela montagne, pouvoit cependant avoir
un effet sensible sur les oscillations du
pendule au haut de cette montagne,
et que c’est vraisemblablement la cause
pour la quelle les oscillations du pendule
sur cette montagne avoient donné une
moindre diminution de pesanteur que
celle qui devoit resulter du quarré de
la distance au centre, car il est par
le moyen des pendules que l’on a
Decouvert que la pesanteur n’etoit pas la
meme dans toutes les regions delaterre,
mr. richer fut le premier qui s’apercût dans Un Voyage qu’il fit a l’isle de
cayenne en 1672. que lhorloge apendule [269v/32] qu’il avoit aporté deparis Retardoit considerablement sur le moyen mouevement
du soleil, et que parconsequent jl falloit
que les oscillations du pendule de cet
horloge fussent Devenûes plus lentes.
Or la durée des oscillations d’un pendule
qui decrit des ars de cycloïde ou destres petits arcs de cercle depend oudela
resistance que lair aporte a Ses
oscillations, oudelalongueur du
pendule, ou enfin delaforce avec
laquelle les cops tendent atomber
perpendiculairement vers laterre.
79 La premiere de ces trois causes, c’est a dire la resistance del’air est si
mediocre qu’elle peut sans erreur
sensible etre comptée pour rien,
d’autant plus que Lependule de Mr. richer éprouvoit cette resistence a paris
comme a cayenne, la seconde qui est la
longueur du pendule n’avoit point changé
puis que cetoit lememe horloge, jl falloit
donc quelaforce qui fait tomber les corps
fut moindre a cayenne qu’a paris, cest
adire a 4.° 55. minutes qui est la
latitude delisle de cayenne, qu’a 49
degrés, qui est celle de paris, puisque
les oscillations du meme pendule etoient
plus lentes a cayenne qu’a Paris.
80 Cet mouvement auquel on auroit [239/270r/33] dû s’attendre, puisqu’il est une suite necessaire de la force centrifuge et des
loix dela statique parut cependent
fort surprenant, quelques uns nie[re]nt le
fait, et revoquerent en doute l’experience
de richer, d’autres pretendirent quil falloit
l’attribuer ala chaleur qui regne dans
les regions voisines de lequateur, laquelle
devoit avoir allongé la verge de metail
a la quelle le pendule etoit suspendu.
Mais la chaleur de l’eté dans nos climats
ne peut faire allonger laverge du
pendule que d’un quart de ligne au plus,
selon mr. neuton, et mr. de mairan vient de faire en 1735. des experiences
par lesquelles jl a trouvé que la chaleur
de l’eau Boüillante, n’etendoit une
Lamine de cuivre de 3 p. 8. L. 5/9 qui est la longueur du pendule que d’un
tiers de ligne, est jl sagissoit dans
lexperience de mr. richer d’une ligne et plus d’un tiers. Donc cet allongement
du pendule de mr. richer ne pouvoit
etre attribué ala chaleur du climat,
de plus on a toujours été obligé de
racourcir lependule en approchant
del’equateur, quoiqu’il fasse souvent
moins chaud sous la ligne qu’a 15. ou
20 degrés delatitude, et en dernier lieu
les academiciens des Sciences qui sont au
perou ont eté obligés de Racourcir [270v/34] leur pendule aquito pendant quil y geloit tres fort.
81 La lentend des oscillations du pendule sous lequateur est une suite necessaire dela
force centrifuge. Car on sçait que si des corps
egaux decrirent dans le meme tems des cercles
differens, ils acquerreront des forces centrifuges
qui seront entr’elles comme les cercles quils
decrivent, donc les parties delaterre qui tournent
toutes en meme tems doivent acquerir des
forces centrifuges d’autant plus grandes que
le cercle deleur revolution est plus grand,
et par consequent cette force doit augmenter
a mesure que lon aproche de lequateur,
qui est le grand cercle delaterre, et diminuer
continuellement vers le pole, ou elle va
s’anéantir enfin.
82 Or la force centrifuge etant l’antagoniste delaforce centripete, plus
laforce centrifuge est grande, plus la force
centripete est diminuée, donc la force
centrifuge etant plus grande sous lequateur
quà paris, les corps doivent tendre avec moins
deforce au centre dela terre dans les regions
de lequateur qua paris.
83 L’experience du Racourcissement du pendule vers l’equateur etant constatée
on en conclut qu’il falloit necessairement
que laterre ne fut pas une sphere parfaite
mais qu’elle etoit elevée alequateur et a
platie vers les poles, car si laforce centrifuge
diminuë sous l’equateur, les vibrations du pendule, cest adire laforce avec [240/271r/35] laquelle les corps tendent vers le centre de laterre, elle doit diminuer aussi la
pesanteur des colônes de matiere qui
composent la terre sous l’equateur, or
la pesanteur de ces colonnes etant
moindre, jl faut necessairement qu’elles
soient plus longues pour etre en equilibre
avec les autres colonnes dematiere qui
composent laterre, donc laterre est plus
elevée alequateur que dans les autres
regions, puisque le pendule y fait ses
vibrations plus lentes, or la force centrifuge
elevant leterrain delequateur, et l’attraction
diminuant avec le quarré dela distance,
cette plus grande elevation doit encore
diminuer la pesanteur dans cette Region
ainsi le Racourcissement du pendule
sous lequateur est leffet des deux forces
centralles, laforce centrifuge, et laforce
centripete.
84 La combinaison de ces deux forces assigne necessairement une figure
spheroïde ala terre, car jl est jmpossible
queles parties d’un globe qui tourne sur
son axe ne s’elevent vers le grand cercle
desa revolution, aussi malgré la division
qui a regné et qui regne encore entre les
philosophes sur lespace spheroïde qui
apartient ala terre, ils conviennent tous
que la forme entierement spherique
n’a pû lui convenir que dans le moment
dela creation, et que la rotation sur
son axes doit avoir necessairement [271v/36] alteré cette forme, car je crois pas que personne doute apresent de ce
mouvement diurne delaterre. Donc
elle doit etre necessairement elevée vers
les regions delequateur qui est le grand
cercle desa revolution, et jl me semble
que cette seule consideration devoit faire
prevoir l’experience de m.r richer, aussi m.rs huguens et neuton ont ils determiné lafigure dela terre par la seule
combinaison des deux forces centralles,
et le grand neuton croyoit meme
que la façon laplus sure de s’en assurer
etoit defaire des experiences sur les
pendules dans les differentes regions, et certiu[s] per experimenta pendulorum deprehendi possit quam per arcus geographice mensuratos jn meridiano Les mesures de M.r cassini nous prouvent qu’effectiment [sic!] la voie dela comparaison
des pendules est la plus sure, mais
celles de m.r demaupertuis nous font voir quil y en peut avoir de plus
Exactes encore.
85 M.rs huguens et neuton portant de deux theories differentes
dans la determination delafigure
dela terre, l’un croyant la pesanteur
uniforme et lautre decroissante avec
le quarré dela distance avoient determiné
des porportions differentes entre son axe [241/272r/37] et un Diametre de son equateur. M.r neuton croyoit cette difference plus
grande que m.r huguens, mais ces deux philosophes se reunissoient ala croire
un spheroïde aplaté vers les poles et
elevé alequateur.
86 Cependant M.r cassini ayant conclu par ses mesures que laterre
devoit etre un spheroïde allongé vers les
poles, le nom de m.r cassini mettoit un poids dans la balance et faisoit encore
douter, car quoiquil soit jncontestable que
le spheroïde aplati devoit resulter de
la rotation delaterre sur son axe et
des loix dela statique, suposé qu’elle
fut sortie parfaitement spherique des
mains du createur, cependant pour concilier
l’elevation dela terre a lequateur qui
etoit constatée avec le spheroïde
allongé que donnerent les mesures de
m.r cassini, on pouvoit suposer atoute force que dieu en creant laterre lui
avoit donné laforme d’un spheroïde
oblong. Car alors la force centrifuge
que ses parties acquerroient par la
rotation sur son axe ne pouvoit
La changer qu’en un spheroïde moins
oblong et non en un spheroïde
aplati.
87 Cette incertitude et le spheroïde oblong [272v/38] qui resultoit des mesures de M.r cassini determinent lacademie a faire
mesurer un degré du meridien sous
le pole et sous lequateur ala fois,
ainsi lon peut dire que ces deux voyages etoit une espece d’hommage
qu’elle rendoit au grand nom de
cassini.
88 Nous savons le resultat du voyage dupole, et mr. demaupertuis nous a fait voir par la relation quil
nous en donné combien cette entreprise
si glorieux dailleurs ala nation a
pensé nous couter de regrets, puisqu’on
ne peut Lire sans crainte les dangers
que lui, m. clairaut, et les autres scavants
hommes, qui ont entrepris ce voyage
ont couru, et ils nous aprennent par
leur exemple, que l’amour
dela verité peut conduire aussi loin,
et a d’aussi grands dangers que le
desir de ce que les hommes apellent
plus communement gloire.
89 Jl resulte deleurs mesures que le degré du meridien qui coupe
le cercle polaire difere en comttantt
l’aberration
de 950. toises decequil devoit [242/273r/39] etre selon les mesures de mr. cassini et qu’il est de 512 toises environ
plus long que le degré du meridien
mesuré en france par Mr. picard entre amiens et malvoisine, d’ou jl est
jncontestable que laterre est un spheroïde
aplati vers les poles.
90 Car quoique m. du perou nayent pas encor fait leurs operations,
cependant on peut dire qu’on en a le
resultat, puisquil est jmpossible que
les memes causes qui abaissent laterre
aux poles ne l’elevent pas alequateur.
91 De plus les academiciens qui sont en amerique ont envoyé a
lacademie la longueur quils ont
trouvée au pendule qui bat les secondes
a quito er cette longueur qui est de
3. P. 6. L. 82/100 en moindre encore que celle
de M.r richer, ce qu’on doit peut etre attribuer en partie al’elevation
du terrain de quito; qui surpasse de
1500. toises le niveau de la mer, car la
pesanteur diminue quand la distance
augmente, cette longueur du pendule
comparée a celle que m. demaupertuis
a determinée par lalatitude de pello
sous le cercle polaire, donnent ainsi
que la mesure du degré du meridien [273v/40] qui coupe le cercle polaire un plus grand aplatissement au spheroïde
dela terre que celuy que m.r neuton avoit assigné par la theorie. M.r neuton conjecture dans lendroit ou jl
determine laplatissement delaterre
que peut etre elle etoit plus aplatie
qu’il ne lavoit calculé, et que ce
plus grand aplatissement pouvoit
provenir de ceque sa matiere etoit
plus dense au centre qu’a la
circonfence, mais il est difficille
de se faire une jdée bien nette
de lidée que M.r neuton avoulu exprimer dans cet endroit, et cette consideration [nous] meneroit trop loin.
92 Quoique lexplication dela figure delaterre apartienne au livre
ou je parlerai de notre monde
planetaire, cependant je me
flatte qu’on me pardonnera cette
digression, a cause dela grande
relation quil ya entre la figure
delaterre, et la pesanteur.
93 Ainsi L’on peut dire que c’est aux mesures et aux observations des français que m.r neuton a Dû les découvertes admirables, et leur confirmation, car ce fut les mesures de m.r picard que lui firent decouvrir la gravitation des astres, et la
cause de la pesanteur ( ) et celles de m.r de maupertuis et de ses compagnons viennent de confirmer cette theorie en
demontrant que la forme de la terre est telle qu’elle doit
Resulter des loix de la pesanteur qu’il avoit decouvertes, et que
l’on [en] a vû cy-dessus que tous les phenomenes tant terrestres que celestes ont confirmé.
94 Jl faut remarquer de plus que de l’attraction repandûë dans toutes les parties de la matiere suivant une certaine loy,
jl Resulte une attraction totale du corps composé de ces parties,
qui depend et de cette loy et de la figure des corps, car dans
de certaines figures d’une meme quantité de matiere, les parties
l’aident Bien plus pour attirer que dans autres. Et m.r neuton [366v] a eu esgard a cette consideration, lorsqu’il a determiné le raport entre l’axe de la terre, et le diametre de son equateur, c’est surquoy
quelques philosophes se sont trompés, et c’est cette meprise qui
les a porté a croire qu’on pouvoit faire resulter de l’attraction
telle que m. neuton etablie le spheroïde allongé vers les
poles.
95 Je me flatte qu’on me pardonnera cette digression sur la figure de la terre, a cause de la grande
relation qu’il y a entre cette figure et la pesanteur.
- Marginal summary: Comment Descartes rendoit raison de la chute des corps vers laterre
- Marginal summary: cette explication est sujette dans le detail a de grandes difficultés
- Marginal summary: les corps celestes devroient s’echaper par la tangeante, si quelque force ne les en retiroit
- Marginal note: v. ch. 2
- Marginal summary: la necessité dune telle force capable de les retenir dans leur orbe fit decouvrir a m.r neuton la force centripete
- Marginal summary: explication de deux analogies de Kepler. - Marginal note: fig. 66
- Marginal note: fig. [66]
- Marginal note: v. elem. de neuton ch. 20
- Marginal summary: tous les corps celestes observent invinciblement ces deux loix. Marginal note: liv. des astres P. 25 Elemens de Neuton P. 162.
- Possible, but uncertain reading: s’eterniser
- Marginal summary: demonstrations [que] M.r Neuton [...] des loix
- Marginal note: cette cause est lattraction
- Marginal note: cette cause est l’attraction
- Marginal summary: toutes les planetes et les cometes [...] confirment cette decouverte de mr. neuton
- It is unclear what was written before it was corrected to B.K.H.
- Marginal summary: demonstration de cette verité par le moyen mouvement de la lune.
- Marginal note: princ. mat. lib. 1er [col. 9.] prop. 4 et prop. 36 et hugh de vi centrif. prop. 6
- Marginal note: de linearum curvarum evolutione. This note very likely refers to the third part of Huygen's Horologium Oscillatorium, which is titled: „De linearum curvarum evolutione et dimensione “.
- Read: apris
- Read: a la terre
- Read: pieds
- Marginal note: elle est repandûë [...] en raison directe des masses
- Marginal summary: tous les corps celestes s’attirent en raison directe de leur masse, et jnverse du quarré de leur distance.
- First „composent“, then immediately corrected to „compose“
- Marginal summary: derangement des planettes qui prouvent l’attraction mutuelle de toute la matiere
- Read: et qui arriva
- Marginal note: preuves
- Marginal summary: ainsi les corps outres leurs autres proprietés ont encore cele de tendre lun vers lautre
- Marginal summary: et cela en raison directe de leurs masses et jnverses du quarré de leur distance
- Marginal summary: difficultés sur l’attrachtion
- Read: arcs
- First „diminuëe“; then immediately corrected to „diminuë“
- Read: proportions
- First [et], then „entre“
- Most likely immediately added
- Marginal summary: par les mesures la terre est un spheroïde aplati vers les poles
- Marginal note: princ. p. 381, Li. 3. prop 19
- Marginal summary: Ce sont les travaux des français qui ont fait naitre, et qui ont confirmé les découvertes de neuton
- Marginal summary: remarque jmportante sur l’attraction
How to cite:
CHAPTER SIXTEEN, Version A. In: Du Châtelet, Émilie: Institutions de physique. The Paris Manuscript BnF Fr. 12265. A Critical and Historical Online Edition.
Edited by Ruth E. Hagengruber, Hanns-Peter Neumann, Aaron Wells, Pedro Pricladnitzky, with collaboration of Jil Muller. Center for the History of Women Philosophers and Scientists, Paderborn University, Paderborn.
Version 1.0, October 16th 2024, URL: https://historyofwomenphilosophers.org/dcpm/documents/view/chapter_sixteen/version/a/rev/1.0