CHAPTER TWENTY

Nineteenth Chapter (Version F: First Printed Version, Paris 1740)

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Chapitre 19

Du mouvement des Projectiles

2§. 501.

3 Je n’ai considéré dans les deux Chapitres précédens que le mouvement des corps qui tombent vers la terre par la seule force de la gravité; mais lorsque quelque force étrangére se mêle à son action, comme quand je jette une pierre, alors le mouvement de cette pierre doit être nécessairement différent de celui qu’elle auroit eû, si elle étoit tombée vers la terre par son propre poids seulement.

4 §. 502. La force que j’imprime à la pierre [388]que je jette, s’appelle la force projectile. Cette force peut être dirigée perpendiculairement ou parallelement à l’horison, ou bien elle peut faire un angle quelconque avec lui.

5 §. 503. Lorsque cette force est dirigée perpendiculairement à l’horison, le chemin du mobile n’est point changé; mais son mouvement vers la terre est seulement accéleré.

6 Si cette force pousse le corps selon une ligne qui tende perpendiculairement en enhaut, alors ce corps montera perpendiculairement; mais son mouvement de projectile qui le porte en enhaut, s’affoiblira à chaque instant, & lorsqu’il l’aura perdu entiérement, il descendra vers la terre par la force de la gravité, qui alors agira seule sur lui (§.319. num. 3°) .

7 §. 504. Les corps que l’on jette perpendiculairement, ne tombent cependant pas perpendiculairement vers la terre, mais ils retombent en décrivant une courbe; car les corps ont déja acquis un mouvement par la rotation de la terre, lorsqu’on commence à les jetter: ainsi, ils retombent vers la terre par un mouvement composé du mouvement que la gravité leur imprime, & du mouvement qu’ils avoient acquis par la rotation de la terre: voilà pourquoi ils retombent au même point d’où on les avoit projettés, quoique la terre ait marché pendant le tems qu’ils ont employé à tomber. [389]

8§. 505. Si le corps est poussé selon une ligne qui soit parallele à l’horison, ou bien si cette ligne fait avec l’horison un angle quelconque, alors le mouvement de ce corps deviendra un mouvement composé du mouvement, que la force extérieur qui agit sur lui, lui a communiqué, & du mouvement que la gravité lui imprime à chaque instant (§. 315. num. 1°).

9 §. 506. La force de projectile imprimée au corps reste toujours uniforme, dans un milieu non résistant (§. 315. num. 1°.) (& c’est dans un tel milieu que je considére ici le mouvement de projectile) la force de projectile restant donc toujours la même, & la gravité renouvellant à chaque instant son action (§. 315.) le corps en obéissant à ces deux forces, qui agissent à la fois sur lui, & dont l’une est uniforme, & l’autre accelerée, changera à tout moment sa direction; & par consequent la ligne qu’il décrira, sera nécessairement une ligne courbe (§. 286.)

10 §. 507. Je vais commencer par examiner quelle est cette courbe dans un millieu qui ne résiste point lorsque la direction de la force projectile est parallele à l’horison.

11 On a vû dans le chap. 12 (§. 274.) que tout corps mû par deux forces dont les directions font entre elles un angle quelconque, dêcrit en leur obéissant la diagonale du parallelogramme, formé par les lignes qui représentent ces forces. [390]

12 Ainsi, soit le corps B. jetté dans la direction horisontale BR. & soit cette ligne BR. qui représente la force projectile divisée dans les parties égales BM. MG. GR. le corps par la force d’inertie doit parcourir dans un milieu non résistant des espaces égaux en tems égaux, en suivant le mouvement de projectile imprimé dans la direction BR. (§. 234.) puisque la force qui le pousse vers BR. est supposée rester toujours la même; ainsi, le tems du mouvement de ce corps vers le point R. peut être supposé divisé comme cette ligne en trois parties égales; or supposé que dans le premier moment la force projectile eût fait aller le corps B. en M. si elle avoit seule agi sur lui, & que pendant ce même tems la gravité l’eût fait aller de B. en E. si son action eût été sans mêlange, il est clair que le mobile en obéissant à es deux forces, décrira dans le premier moment la diagonale BS. du parallelogramme BEMS.

13 Dans le second moment pendant lequel la force projectile (qui est toujours la même) feroit parcourir au corps l’espace ST. égal à BM. la gravité lui auroit fait parcourir l’espace SP. triple de BE. selon la progression de Galilée (§. 305.).

14 Ainsi, le corps dans le second moment en obéisssant à chacune de ces deux forces selon la quantité de son action sur lui, décrira la diagonale SL. du parallelogramme STPL.

15 De même dans le troisiéme moment l’espace [391]que la gravité feroit parcourir au corps étant quintuple du premier, & la force projectile restant la même, le corps décrira la diagonale LD. Or les diagonales BS. SL. LD. réunies ne forments pas une ligne droite, & cela, parce que le mouvement de projectile imprimé au corps est uniforme, ou supposé tel, & que le mouvement imprimé par la gravité est un mouvement également accéléré: ainsi le corps à chaque instant infiniment petit, s’approchera du centre de la terre par une diagonale infiniment petite, & toutes ces diagonales infiniment petites étant jointes les unes aux autres, formeront une courbe, laquelle se trouve être une demi-parabole.

16 §. 508. Vous avez assez étudié les sections coniques pour sçavoir qu’une de propriétés de la parabole est que les parties de son axe prises entre son origine, & les ordonnées à cet axe sont entr’elles comme les quarrés de ces ordonnées; ainsi dans la parabole EAC. les parties AP. AM. de l’axe AR. sont entr’elles comme les quarrés des ordonnées BP. & DM.

17§. 509. Or, il est aisé de voir que les mêmes propriétés se trouvent dans la courbe que les projectiles décrivent en tombant; car les parties BE. BH. BK. de la ligne BK. qui représentent les espaces parcourus par l’action de gravité sont entr’elles comme les quarrés de lignes [392]ES. HL. KD. qui représentent les tems des chutes; car BE. est 1. BH. est 4. & BK. est 9. & ES. est 1. HL. 2. & KD. 3 & par conséquent la ligne BK. peut être considérée comme l’axe de la demi-parabole BD. & les lignes ES. HL. KD. comme les ordonées à cet axe. La courbe que les projectiles décrivent en tombent vers la terre dans un milieu non résistant, est donc une parabole, puisqu’elle en a les propriétés.

18 §. 510. Lorsque la direction de la force qui a jetté le corps est oblique à l’horison, la courbe qu’il décrit est encore une parabole, soit que l’angle formé par l’horison & par la ligne qui représente cette direction, soit obtus, soit qu’il soit aigu; car le mouvement imprimé par la force projectile étant toujours uniforme dans un milieu non résistant, & celui de la gravité étant toujours également acceleré en tems égal, la courbe qui résulte de la combinaison de ces deux forces, doit être la même dans toutes les directions, puisque les forces sont les mêmes.

19 §. 511. Une des propriétés de la parabole est encore que le parametre de son axe ou d’un de ses diametres est troisiéme proportionnelle [393]à l’abscisse de ce diametre & son ordonnée, c’est-à-dire, à la ligne BE. qui représente l’espace dont le corps est tombé par l’action de la gravité dans le premier tems de la chute, & la ligne SE. qui représente l’espace parcouru dans le même tems par la vîtesse imprimée par la force projectile: ainsi, puisque l’on connoît que l’espace parcouru dans la premiere seconde par l’action de la gravité est de quinze pieds, si on connoît l’espace que la force projectile peut faire parcourir au corps dans le même tems d’une seconde, le quarré de ce dernier espace qui représente l’ordonnée, étant divisé par quinze pieds, qui est l’espace parcouru par la gravité, lequel espace est représenté par l’abscisse, donnera le parametre de la parabole que le corps doit décrire: or quand on connoît le parametre d’une parabole, on peut la décrire: par conséquent on connoît le chemin du mobile, quand on connoît l’espace que la force projectile peut lui faire parcourir en un tems donné, car celui qu’il parcourt par la force de la gravité est toujours le même.

20 Il suit de cette proposition, que si le mouvement de projectile de deux corps leur fait parcourir des espaces égaux un en tems égaux, les [394]paraboles qu’ils décriront, auront le même parametre.

21 §. 512. La ligne de direction du mouvement de projectile est toujours tangente de la parabole que le corps décrit; ainsi, la ligne BR. touche la parabole BD. au point B. seulement, car la gravité agissant sur le corps dans le premier instant de son mouvement, elle change la direction de ce corps dans ce premier instant; par conséquent, la ligne qui représente la force qui pousse ce corps, étant une ligne droite, elle ne peut toucher la courbe que ce corps décrit qu’un seul point.

22 §. 513. La parabole BED. s’appelle le chemin du mobile, & la ligne droite ST. qui soustent cette parabole BD. décrite par ce corps dans son mouvement, s’appelle l’amplitude de ce chemin, & l’angle CBT. s’appelle l’angle d’élevation.

23 §. 514. En déterminant que le chemin des projectiles étoit une parabole, on a été obligé de faire plusieurs suppositions: car pour réduire les effets Physiques aux calculs Mathématiques, on est toujours obligé de supposer bien des choses, & lorsqu’ensuite on veut repassser des calculs Mathematiques aux effets Physiques, on trouve bien du déchet sur l’exactitude, & sur la précision. [395]

24 1°. On a supposé que les lignes MS. GL. RD. qui représentent l’action de la gravité sur les corps étoient paralleles entr’elles, car si elles n’étoient pas paralleles, la courbe décrite par le corps ne seroit plus une parabole; mais l’action de la gravité étant toujours dirigée vers le centre de la terre, les lignes MS. GL. RD. qui représentent cette action, ne sont point paralleles, puisqu’elles se réuniroeint au centre de la terre, si elles étoient prolongées.

25 2°. On a supposé de plus, que les espaces parcourus par la force projectile étoient égaux en tems égaux, mais ils ne le sont point à cause de la résistance de l’air, qui diminue sans cesse cette force, & par conséquent, les espaces qu’elle fait parcourir.

26 3°. Enfin, on a encore supposé que les espaces parcourus par l’action de la gravité, sont tous en raison du quarré des tems, mais c’est ce qui n’est point exactement vrai; car cette même résistance de l’air altére aussi la proportion de ces espaces.

27§. 515. La premiere supposition peut être faite sans erreur sensible, car l’étendue des plues grandes projections que nous puissions faire sont si courtes, par rapport à la distance qu’il y a de la surface de la terre à son centre, que les différences qui résultent du manque de parallelisme dans les lignes, qui représentent l’action de la gravité, sont une parfaite égalité pour nous. [396]

28 M. Blondel a calculé qu’une piéce d’artillerie pointée horisontalement sur une montagne élevée de cent toises, & qui chassera à la longueur de deux mille cinq cent toises, en comptant les lignes verticales paralleles, chassera à la longueur de 2499. toises, 5. pieds, 6. pouces 1/2 en comptant le changement causé par le manque de parallelisme dans les lignes, qui représentent l’action de la gravité, & par quelque altération inévitable, qui se trouve toujours dans la ligne horisontale de projection. Or que sont pour nous 5. pouces 1/2 sur 2500. toises? Cette différence est encore bien plus petite dans les projections ordinaires; ainsi l’on voit que l’on peut sans erreur la compter entierement pour rien.

29§. 516. A l’égard de la résistance de l’air au mouvement vertical, & à l’horisontal que l’on suppose nulle, lorsque l’on détermine que la courbe décrite par les projectiles en tombant est une parabole, son effet est si sensible dans la chute des corps ordinaires, que la courbe qu’ils décrivent en tombant dans l’air, n’est plus une parabole; mais une courbe fort approchante de l’hiperbole, laquelle reçoit des altérations selon la masse & la forme des corps, & selon la nature de l’air dans lequel ils tombent.

30§. 517. Ainsi, la parabole ne sert à détermi-[397]ner le mouvement des projectiles que dans un milieu non résistant, & c’est cependant cette courbe qui est le fondement de l’art de l’artillerie, car la résistance de l’air est presque insensible sur un corps aussi pesant qu’un boulet de canon, & il est d’ailleurs aisé de remedier dans ce cas aux petites irrégularités que cette résistance peut causer.

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  • Marginal summary: Quel est le chemin du mobile, quand la force qui le pousse, est dirigée perpendiculairement vers l’horison.
  • G: vers
  • Marginal summary: Ou lorsque cette force est dirigée perpendiculairement en en haut.
  • G: le
  • Not in G
  • G: Quand je jette un Corps perpendiculairement vers le Zénith, ce Corps ne retombe pas vers la terre dans la même ligne dans laquelle je l’ai jetté, mais il y retombe en décrivant une courbe, car son mouvement est alors un mouvement composé du mouvement qu’il avoit déja aquis par la rotation de la terre lorsque je l’ai jetté en enhaut, & de celui que la gravité lui imprime pour le fair retomber vers la terre, voila pourquoi il retombe au même point d’où je l’avois jetté, quoique la terre ait marché pendant le tems qu’il a emploié à tomber, & un oeil placé hors de la terre verroit décrire à ce corps la courbe dont je viens de vous parler.
  • Marginal summary: Pourquoi les corps que l’on jette perpendiculairement, retombent au même lieu.
  • Marginal summary: Quel est le chemin du mobile, lorsque la force projectile fait un angle avec l’horison.
  • Not in G
  • G: §. 289
  • Marginal note: Planche 10. Fig. 66.
  • Marginal note: Fig. 66.
  • Marginal note: Fig. 67.
  • Marginal summary: La ligne que le corps décrit quand ils est jetté dans une direction oblique ou parallele à l’horison, est une parabole.
  • Marginal note: Fig. 66.
  • Marginal note: Fig. 67. On appelle Diametres d’une parabole toutes les lignes menées d’un des points de la parabole parallelement à son axe, comme la figure NO. Le parametre est la ligne quadruple de la partie de l’axe comprise entre le foyer & le sommet de la parabole, & l’abscisse est la partie de l’axe comprise entre le sommet de la parabole, & l’ordonnée à son axe ou à un de ses diametres.
  • G: puisqu’on connait
  • Marginal note: Wolf. Arithm, (§.302.)
  • G: du diametre qui passe par le point d’où le projectile est parti: or ce paramètre suffit pour décrire la parabole, ainsi on connait le chemin du mobile, quand on connait l’espace que la force projectile peut lui faire parcourir en un tems donné, car celui qu’il parcourt par la force de la gravité dans la prémière seconde est toujours le même.
  • Not in G
  • Marginal note: Fig. 66.
  • Marginal note: Fig. 68.
  • Marginal summary: Supposition nécessaire pour que le chemin du projectile soit une parabole.
  • Marginal note: Fig. 66.
  • G: Mr.
  • Marginal note: Hist. de l’Acad. 1678.
  • Marginal summary: Dans l’air la ligne que décrivent les corps projettés, devient une courbe très-approchante de l’hiperbole.
  • Marginal note: Newton Principia Liv. 2. prop. 4.
  • Marginal summary: La parabole que les projectiles décriroient dans un espace non resistant, est le fondement de l’art de l’artillerie.

How to cite:

CHAPTER TWENTY, Version F. In: Du Châtelet, Émilie: Institutions de physique. The Paris Manuscript BnF Fr. 12265. A Critical and Historical Online Edition.
Edited by Ruth E. Hagengruber, Hanns-Peter Neumann, Aaron Wells, Pedro Pricladnitzky, with collaboration of Jil Muller. Center for the History of Women Philosophers and Scientists, Paderborn University, Paderborn. Version 1.0, November 4th 2024, URL: https://historyofwomenphilosophers.org/dcpm/documents/view/chapter_twenty/version/f/rev/1.0